Irish Coffee : La sorcière de l'hiver by Noémie Dargaud

Auteur:Noémie Dargaud [Dargaud, Noémie]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2020-11-05T23:00:00+00:00

Chapitre 19

Le prix du matelot avait triplé, mais Morgan accepta la situation avec un calme olympien. Quant à moi, je commençais à développer des tics nerveux. Ceux-ci agitaient le coin de ma paupière de façon irritante. En particulier parce que le pêcheur ne s’était pas privé pour aller en mer, faire son travail et nous faire poireauter le restant de la journée. Morgan en avait profité pour me forcer à faire du tourisme, parce que – on ne va pas attendre qu’il revienne au port. J’ai faim et je ne suis pas de bonne humeur quand j’ai faim – fin de la citation. Nous étions retournés à l’hôtel où mon compagnon de voyage avait mangé pour deux, m’obligeant même à goûter des œufs brouillés. Par la suite, il avait reçu un appel de Mess lui demandant de rentrer au bureau rapidement. Malgré mon empressement à retrouver mon cœur, il était plus judicieux que je n’alerte pas Morgan sur le fait que peut-être, je ressentais des émotions. Je ne souhaitais pas non plus qu’il sache où mon palpitant se localisait. J’avais eu dans l’esprit de faire un détour, sous prétexte de… je cherchais encore, mais je trouverais bien une idée géniale comme d’habitude. Alors, je le cacherais ailleurs, loin, mais surtout très très loin du fils Bennett.

Morgan s’excusa de devoir rentrer. Je fis comme si de rien n’était, j’utiliserais cela à mon avantage plus tard.

À présent, je m’installai à l’arrière du rafiot pour voir Inis Mór se réduire à la vitesse d’un escargot. Sohoo et sa sœur vinrent même nous saluer discrètement, je leur rendis la politesse sans beaucoup d’enthousiasme. Je n’en voulais pas à la Merrow d’avoir tenté de me tuer. Les personnes qui m’entouraient avaient cette fâcheuse manie. Quelques minutes plus tard, mon partenaire de voyage sortit du cockpit.

– Que faisiez-vous ? demandai-je.

– Je payais Henri, il avait peur que je ne tienne pas ma parole.

J’émis un grondement mauvais.

– Il ferait mieux d’arrêter d’escroquer les gens…

Le rire de Morgan était grave. Il s’installa à ma droite, son épaule contre la mienne.

– Merci pour la chaîne, merci de ne pas m’avoir laissé tomber, lança-t-il après quelques minutes de silence.

Je m’étonnai à aimer l’entendre parler.

Ciel, je devenais masochiste.

– Je suppose que tu l’as trouvée dans le bateau ?

J’opinai du chef alors que le vieil édenté et escroc passait devant nous en sifflotant. Soudain, il arqua sa jambe droite et lâcha une énorme flatulence.

– Ah ! C’était coincé depuis ce matin !

Morgan se pinça l’arête du nez, se retenant à peine de rire, il n’y arriva pas. Je le foudroyai.

– Ne l’encouragez pas !

Il m’offrit un regard d’excuse.

– Du coup, la chaîne, se reprit-il.

– Oui, je l’ai trouvée dans le bateau.

– Merci de l’avoir récupérée, j’y tenais beaucoup. Tout à l’heure…

Il hésita.

– Tu as parlé des Bean Sidhes, tu as dit que vous n’étiez pas amies. Sur le coup, je n’ai pas tout compris.

Je soupirai, un peu fatiguée soudainement. J’en avais encore trop dit, j’essayai donc une tentative pour éluder la moitié de sa question.

– Je pourrais…

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